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27.05.2022 : Ivan De Luca, bassiste professionnel et professeur de basse à l’APCJM, ainsi qu'au Bus Magique, et à Emagina-Son : "je n’ai pas de style préféré. Ce que j’aime, c’est la musique en soi".

27 mai 2022 par
27.05.2022 : Ivan De Luca, bassiste professionnel et professeur de basse à l’APCJM, ainsi qu'au Bus Magique, et à Emagina-Son : "je n’ai pas de style préféré. Ce que j’aime, c’est la musique en soi".
SERVETTE-MUSIC SA, VPI


> Bonjour Ivan, tu es bassiste professionnel et professeur de guitare basse auprès de plusieurs institutions (APCJM à Meyrin, le Bus Magique à Châtelaine, Emagina-Son à Lancy). Peux-tu nous présenter ton parcours ?


J’ai commencé vers 13-14 ans, comme autodidacte, en repiquant des morceaux des Sex Pistols. Le premier était Pretty Vacant, je le jouais avec une pièce de 10 centimes. Je croyais que c’était la basse qui faisait cette intro, alors qu’en fait c’est une guitare. Après j’ai joué avec des copains du quartier. On reprenait des morceaux de blues : Gary Moore, SRV, toutes ces choses là… J’ai aussi pris mes premiers cours de basse avec Denis Favrichon à l’ETM.
Quelques années plus tard j’ai pris des cours avec Christophe Chambet dans les années 90. Il n’a ouvert les yeux sur l’harmonie, et toutes ces choses plus techniques. J’ai aussi suivi des ateliers, des cours à l’AMR, ce qui m’a conduit au jazz. Plus tard, je suis allé au conservatoire à Lausanne, pour suivre des cours à l'HEMU.
Durant tout ce temps j’ai joué avec plein de gens, de tous les genres. En termes de formation musicale, ça a été très enrichissant à chaque fois. Comme tu sais, on retire quelque chose de chaque rencontre. Aujourd’hui je fais partie d’un groupe qui s’appelle B-Connected, avec qui on fait des tournées dans le monde entier : Asie, Moyen-Orient, on va en Turquie cette année. J’ai plein d’autres projets en tant que sideman, et au mois de juillet, je vais enregistrer un album avec Gillian, un projet pour lequel nous auront l’honneur d’avoir Thomas Lang à la batterie.


> Quels sont tes styles préférés ? Comment ton approche a-t-elle évolué avec le temps ?

Je n’ai pas de style préféré. Ce que j’aime, c’est la musique en soi. Ce qui compte pour moi c’est que la musique me plaise et qu’elle me touche, qu’il s’agisse de jazz, de funk, ou de pop, ou de n’importe quoi d’autre, même si je ne sais pas (encore) la jouer. Tant que c’est de la musique qui me parle, je l’aime.


> Quelles sont tes influences ?

Le tout premier bassiste qui m’a influencé était celui qui accompagnait Gary Moore à l’époque, Bob Daisley. Il y avait cette chanson qui s’appelait Empty Rooms, dans laquelle figure un petit solo de basse. Le groupe dans lequel je jouais quand j’avais 14 ans reprenait cette chanson, et pour moi c’était une ligne de tueur. C’était vraiment LE challenge pour moi à cette époque d’apprendre cette ligne de basse. Ce bassiste qui a été le premier que j’ai identifié comme tel : “il y a un bassiste super bon qui s’appelle Bob Daisley dans ce monde”.
Ensuite, une des plus grosses claques que j’ai prises est venue de l’album Blood Sugar Sex Magic des Red Hot Chili Peppers, en 91. Un copain m’avait recommandé d’y jeter une oreille. Du coup je suis allé à City Disc pour l’écouter. Il y a un riff de guitare assez péchu qui démarre l’album, et puis la basse arrive. Ce gros son funk m’a carrément renversé. Cette basse si présente, si rock et funk à la fois m’a emmené dans une autre dimension.
Quand j’ai ensuite commencé à prendre des cours avec Christophe Chambet, j’ai découvert grâce à lui des bassistes comme Marcus Miller, Alain Caron, tous ces bassistes un peu plus pointus, un peu plus jazz et progressifs. A partir de là, ces trois bassistes, Flea, Marcus Miller et Alain Caron ont été mes trois bassistes de chevet, si l’on peut dire. Je me suis inspiré du côté rock/funk puissant de Flea, le coté slap à mort de Marcus Miller, et ce côté très mélodieux d’Alain Caron, ainsi que de sa technique de slap à trois doigts



>  Tu joues sur de nombreuses guitares basses, des 4, des 5 et des 6 cordes. Quelles sont tes préférées en ce moment, et quelles les sont les qualités que tu leur trouves ?

Je touche parfois d’autres instruments avec des copains, ou des élèves, pour m’amuser un peu, mais je gagne ma vie en tant que bassiste, et je joue presque exclusivement de la basse.
Je joue des basses 4 et 5 cordes, mais beaucoup moins de 6 cordes, car ce sont des instruments dont je me sens moins proche. En termes de marques, dans les 5 cordes, celle qui me donne un plaisir énorme, c’est Läkland. Ce que je cherche dans une basse c’est qu’elle me permette de jouer de la pop et du jazz ; pas un instrument de pop, ou de jazz, mais un instrument sur lequel je peux faire chacun des deux aussi bien.
Ensuite, pour les 4 cordes, j’aime les Fender Jazz Bass et Precision. Les vieilles. Pendant des années j’ai dédaigné ces instruments, par rébellion, mais le bon sens a fini par gagner sur moi, et je me suis rendu compte qu’en 4 cordes, les Fender Jazz Bass et Precision sont vraiment top. J’ai aussi joué pendant des années sur MusicMan, en 4 et 5 cordes, et je trouve que ces instruments sont vraiment supers. Mais pour moi, ce sont des instruments qui sont typiquement pop/rock. Si je veux faire des choses plus fines, plus jazzy, la MusicMan sera moins à mon goût.


> Comment ton jeu a-t-il évolué avec le temps ?

Mon jeu a bien sûr beaucoup évolué, et notamment grâce à internet. Avec les vidéos qu’on trouve partout, on peut maintenant non seulement entendre jouer les pros, mais aussi les voir : analyser les doigtés, copier la position. Du coup, le jeu évolue plus vite. Je remarque d’ailleurs que les jeunes jouent de mieux en mieux, beaucoup plus tôt. Pour ma part, j’ai toujours aimé relever de nouveaux défis, essayer de nouvelles techniques, être à la page, donc j’en bénéficie aussi beaucoup, même si je n’arrive pas à tout faire, évidemment. Mais je fais de mon mieux pour jouer avec sincérité dans tous les cas.



Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare basse ? Que conseilles-tu à tes élèves de considérer quand ils en choisissent une ?

Pour moi, le plus important est qu’elle sonne, que je sois à l’aise dessus, et qu’elle soit polyvalente : comme je l’ai dit, je veux pouvoir jouer de la pop au jazz. Quand je joue une basse, j’aime aussi qu’on entende toutes les notes sur l’instrument. Je veux que le son sorte, pas que la basse soit boomy, mais au contraire, qu’on entende toute l’articulation, la moindre ghost note, les harmoniques…
A mes élèves, je demande en général quel type de son ils veulent entendre. Je leur fais écouter des sons Jazz Bass, des sons Precision, des sons MusicMan, et quand ils me disent “j’aime bien ça”, je les invite à aller dans cette direction pour commencer. Il faut qu’ils aiment le son. Et puis ils faut aussi faire attention au confort, bien sûr, car la basse est un instrument un peu barbare, les cordes sont épaisses, donc il faut qu’elle soit bien réglée.


> Quelle est ton expérience avec Servette-Music ?

Je connais le magasin depuis longtemps, et Sergio Barbieri, que je connais depuis mon enfance, et avec qui on a joué dans un groupe ensemble, a commencé à y travailler il y a une vingtaine d’années. Depuis j’achète mon matériel là-bas. J’y ai aussi moi-même travaillé comme magasinier il pendant à une époque, d’ailleurs. Avec tout ça, c’est naturellement qu’on est devenus partenaires, et qu’on développe une relation autour de notre passion commune.


> On a tendance à dire que la section rythmique est fondamentale, et qu’il est important que la basse et la batterie forment un tout quasi fusionnel. Qu’en penses-tu ?

La fusion basse/batterie, c’est un peu un mythe, à propos duquel chacun a sa façon de voir les choses. Selon moi, ce qui fait l’assise d’un groupe, le son d’un groupe, c’est le batteur. Avec un super bassiste et un mauvais batteur, le groupe ne va pas sonner bien. Au contraire, un très bon batteur et un mauvais bassiste pourront faire marcher les choses.
Concernant l’aspect fusionnel, on a tendance à en parler parce que la basse et la batterie vont en quelques sortes “planter les clous”. Les guitares et les claviers vont plutôt jouer des doubles croches, virevolter. Pour qu’ils puissent jouer librement, il est essentiel que l’ensemble basse-batterie soit solide. Mais au fond, dans un groupe, chacun est responsable du rythme. Si le couple basse-batterie est parfaitement synchro, mais que le guitariste joue ses cocottes à côté, ça n’ira pas. Et puis au fond, de toute façon pour le public, la basse n’a pas d’importance — je parle en général. Le public n’entend pas la basse, il la ressent. Ce qui retient l’attention du public, c’est le chant et la batterie, parce que le chant danse sur la batterie, et chante la mélodie. Donc c’est à eux de ne surtout pas se planter.


> Quels sont tes défis et tes envies pour le futur?

J’ai toujours envie de devenir meilleur, et que Jamiroquai vire son bassiste et m’engage (rires). Toujours les mêmes choses, quoi… En bref, continuer à vivre de ma passion, évoluer en tant qu’être humain et en tant que musicien. J’aime faire ce que je fais, donc j’en apprécie chaque moment, et si je devais distinguer une chose, ce serait la chance que j’ai de pouvoir voyager grâce à la musique, et d’être même payé pour le faire. Voir d’autres pays, d’autres gens, d’autres cultures, tout ça en jouant de la musique, et parce que je joue de la musique, c’est pour moi un bonheur.