> Adrien, tu es vendeur chez Servette-Music depuis un an maintenant, peux-tu nous parler de ton parcours ?
J’ai très tôt baigné dans le monde de la musique. J’ai commencé le piano à six ans, sous l’influence de mes parents. Puis vers quinze ans, il y a eu une petite crise, parce que je n’arrivais pas à trouver un moyen d’expression dans le piano, et je me suis retrouvé à envisager d’abandonner complètement la musique. Mon grand frère, qui a six ans de plus que moi et qui était déjà musicien à l’époque, m’a offert une guitare. Il s’était dit que ça me permettrait de prendre un nouveau départ, et en gros il m’a dit “tu comptes arrêter la musique, mais si je t’offre une guitare, est-ce que tu acceptes de continuer encore un bout de chemin pour voir ?”
J’ai accepté, très vivement d’ailleurs, parce que j’aimais le rock et que ça me plaisait de pouvoir en jouer. Il m’a donc offert une guitare pour mes quinze ans, et ça a renouvelé mon intérêt pour la musique. A partir de là, j’ai commencé à axer mes activités musicales sur la guitare : la musique que j’écoutais, mes études, tout mon temps libre y passait, et tout tournait autour de la guitare. Je jouais des heures, je ne la lâchais plus. J’ai donc logiquement débuté des études de musique à travers les parcours de formation offerts par l’ECG et de l’ETM, et je prenais des cours particuliers pour acquérir un niveau décent afin d’ensuite pouvoir intégrer l’HEMU en musiques actuelles, étape présente qui devrait conclure mon parcours scolaire/académique dans les années à venir.
Parallèlement, j’ai découvert un métier de rêve ici à Servette-Music, au secteur guitares, puisque non seulement je passe mes journées au milieu de mes instruments favoris, mais j’ai en plus l’opportunité d’apprendre et d’échanger avec plein de gens très généreux qui connaissent beaucoup de choses intéressantes.
> Quelle a été cette première guitare ?
C’était une Squier Bullet Strat incroyablement difficile à jouer, mal réglée, pas très bien construite et du coup jamais tout à fait juste, mais que j’ai usée “jusqu’à la corde”. Le manche est complètement “Relic” à cause des heures que j’y ai passées à jouer dessus. Je la garde précieusement, même si elle est devenue injouable. D’ailleurs, en accédant à des instruments de qualité, j’ai fait l’expérience de l’aisance et du plaisir que procurent les guitares haut de gamme : c’est tellement plus facile de sonner bien quand on joue avec le haut du panier… Ça parait tout bête, mais un instrument de qualité en termes de manufacture, de son, et de confort permet de jouer longtemps sans se fatiguer, et donc de progresser plus vite. Du coup aujourd’hui je joue sur une Telecaster ’63 qui est un exemplaire d’une série limitée sortie pour les 30 ans du Fender Custom Shop. Je l’ai achetée à Servette-Music en 2018, d’ailleurs. J'ai aussi une Tele '63 Masterbuilt Carlos Lopez, qui est une tuerie.
> Quelles sont tes influences majeures, et quelle est ton approche musicale en termes de composition et de son ?
Ma plus grande influence, c’est Matt Bellamy de Muse. A l’époque où j’investissais tout mon temps à jouer, je n’écoutais que cela, et je ne m’intéressais qu’à ça. Avec le temps, mes horizons se sont élargis, bien sûr, et je suis arrivé aux musiciens qui ont influencé les membres de Muse, parce que c’est une arborescence, et on finit souvent comme ça par aller vers le guitariste préféré de notre guitariste préféré. C’est ainsi que j’en suis venu à m’intéresser à Jeff Buckley, à Radiohead, à Pink Floyd…
J’ai joué dans plusieurs groupes, et j’ai toujours aimé pouvoir exprimer une personnalité “guitaristique” forte, en apportant des compositions, des mélodies, et des arrangements. Pour cela, je vais en général là où mes oreilles m’emmènent. Tout ça m’a conduit à me pencher sur les possibilités offertes aujourd’hui par les appareils audionumériques, surtout les effets. Je ne considère pas la guitare toute seule, mais comme la pièce maîtresse d’un système de création sonore. Mes mains se posent sur la guitare, mais la musique, le son, peuvent être aussi les produits d’une pléthore de composants. Je trouve ça passionnant et ça m’inspire beaucoup quand je joue.
> Tu passes un peu tes journées au Pays de Cocagne pour un guitariste, quelles sont tes préférences dans la gamme d’instruments représentés au magasin ?
J’aime vraiment tout. Je ne suis pas compliqué, et je cherche à appréhender tous les sons, tous les styles, toutes les possibilités pour enrichir mes connaissances et me développer musicalement. Du coup pour moi tout a une pertinence sonore, et j’éprouve de l’intérêt pour tous les types de construction, de matériaux, etc. : pourquoi un système est comme ceci ou comme cela, qui l’a inventé, dans quel but, à partir de quelles contraintes (parce que finalement beaucoup de choses en matière de guitare sont le résultat de contraintes, économiques, physiques, ou autres).
A part les icônes comme Gibson les Paul, Fender Strat et Tele, qui ont posé les jalons de ce qu’est une guitare électrique, je ne pourrais donc pas te nommer un instrument plus spécial qu’un autre. C’est peut-être la passion qui m’aveugle, mais je les aime toutes. J’ai fait l’expérience directe de l’exigence de Servette-Music dans la manière dont les instruments sont sélectionnés, et je dois dire qu’au vu du processus, ce n’est pas étonnant que nous n’ayons que des super grattes dans chaque gamme de prix et pour chaque style. Après, du point de vue personnel, je suis moins sensible aux guitares typées metal, parce que c’est moins mon style, et que je penche donc plus vers des guitares plus traditionnelles ; mais même ça, c’est pas toujours vrai, puisque quand je les teste, ou que j’écoute des clients les essayer, je constate bien que nous avons ici des bêtes de course, et je sais les apprécier pour leurs qualités objectives..
> Qu’est-ce qui t’a convaincu de rejoindre Servette-Music ?
Le service client. Pour moi, le service client, c’est la manière dont le vendeur peut te guider, tout en restant en dehors de la problématique de recherche, donc en te laissant vraiment le choix. A chaque fois que je venais, je ressortais avec ce dont j’avais besoin. Et même si je n’avais pas la chose matérielle, j’avais la connaissance, la compréhension de ce que je recherchais, et de la manière dont l’obtenir.
La qualité d’échange est cruciale afin que l’expérience soit bénéfique pour le client, et la disponibilité des personnes dans le secteur des vents aussi bien que dans le secteur guitares, qui sont celles avec lesquelles je discutais, m’a toujours donné le sentiment d’être le bienvenu. Les conversations, autour de l’instrument comme de la musique en général, montraient très clairement que c’est la passion qui anime le magasin. C’est d’ailleurs quelque chose que je cherche à apporter moi-même au client quand je suis au magasin : un accueil chaleureux, de l’espace pour qu’ils expriment leurs besoins, leurs désirs, et du temps pour qu’ils puissent essayer les instruments et les appareils tranquillement.
> Quel instrument t’a le plus impressionné ces derniers temps ?
Il y en a deux. D’abord, il y a quelques mois, nos avions une Fender Custom Shop Masterbuilt Carlos Lopez, et laisse-moi te dire que c’était une bombe. La selection des bois, le détail du relicage, le feeling tout simplement quand on la prenait en mains étaient surréels. Et une fois branchée, il a suffit d’une note pour me faire comprendre que c’est quelque chose de très spécial. L’autre, elle vient du concurrent direct, c'est une Gibson Custom Shop Les Paul ‘59 Murphy Lab Heavy Aged Kindred Burst. Certes, elle coûte son prix, mais elle le vaut entièrement. Ces deux guitares représentent le sommet du savoir-faire de ces marques, et quand on aime les grattes, elles offrent une expérience de jeu et un son tout bonnement exceptionnels. C’est vraiment mieux que tout le reste. Mais bon, il faut avoir les poches profondes…

> Tu t’intéresses aussi beaucoup à l’audionumérique, notamment les pédales et les processeurs d’effets, quelle est ta dernière découverte dans ce domaine ?
Pas vraiment besoin de réfléchir, le Quad Cortex de Neural DSP remporte la palme d’or. Cet appareil est tout bonnement génial, c’est une révolution dans le monde de la guitare aujourd’hui. D’abord, il rentre dans presque tous les étuis de guitare, c’est plus qu’un détail : que ce soit pour un cours, un concert, une répète, il est facile à emporter. Cela veut dire que ce n’est pas un problème d’en être dépendant dans la création de sa signature sonore, puisqu’on pourra l’avoir avec soi dans toutes les circonstances. C’est aussi un super complément numérique à tout équipement analogique, donc on est dans une logique de “et”, et pas de “ou”. Un musicien peut avoir ses amplis historiques à la maison ou au studio, et ajouter le Neural DSP à son rig pour les concerts, sans créer de redondance.
Parce que franchement, les amplis, c’est super, mais c'est aussi lourd et encombrant, et surtout, c’est la première chose que l’ingé son va demander de baisser pour pouvoir contrôler le volume dans la salle. Du coup – c’est une expérience que malheureusement on a tous faite – les sons préparés, fignolés à l’avance, se retrouvent complètement dénaturés, puisque le volume est un des facteurs qui influence le plus le rendu d’un ampli à lampes. Avec le Neural DSP, on peut balayer toutes ces limitations sans aucune prise de tête : le son préparé à la maison ou en studio sera le même en salle de concert. Il aura la même texture, le même grain et la même dynamique, et on pourra ajuster le volume de manière générale grâce au master volume. Ce niveau de fiabilité et de facilité à la fois logistique et programmatique allié à la capacité de sortir des sons tout bonnement identiques à ceux des amplis est une première. En plus, la capture est super simple, au point que si les clients qui achètent un Neural DSP au magasin nous le demandent, on est heureux de leur en faire une ou deux ici-même avec les amplis de notre assortiment. Ça prend deux secondes ! Enfin, un peu plus, mais c’est super simple, et ça sonne. Au final, la musique est essentiellement un plaisir, et le Neural DSP améliore l’expérience.
Cela étant, j'adore les amplis traditionnels et les effets analogiques, et beaucoup de nos clients jouent sur ce type de matos. Pour ceux qui peuvent se le permettre, l'idéal c'est donc bien sûr d'avoir les deux, analogique et numérique, car ce sont deux dimensions qui s'enrichissent l'une et l'autre.
> Quels conseils donnes-tu aux jeunes et aux débutants qui viennent te consulter au magasin ?
La curiosité ! Je prêche le fait de s’intéresser de manière approfondie à l’univers de la guitare. Il peut paraître dense, surtout quand on débute, et c’est pour cela que nous somme là : partager nos connaissances, échanger nos impressions. Ma recommandation est donc de ne jamais hésiter à poser des questions, et d’être curieux.
> Adrien, il est temps de prendre position dans les guerres de chapelle canoniques du monde de la guitare : Fender ou Gibson, PRS ou Collings, et enfin pour les amplis, Fender ou Marshall ?
Alors, Fender, parce que c’est ce que je joue et ce qui représente aujourd’hui le mieux mes goûts et ce que je recherche pour m’exprimer musicalement. Gibson est tout aussi excellent, et c’est vraiment juste une question de “couleur”. Ensuite, je dirais Collings, mais ici encore, c’est parce que c’est ce qui me parle plus. A vrai dire, les guitares de PRS et de Collings sont toutes irréprochables. Mais l’approche de Collings de créer des instruments au caractère très vintage, avec une touche de modernité en mettant la barre aussi haut que possible, me touche plus. Je comprends bien la position de PRS, qui permet de ne plus avoir à choisir entre une Les Paul ou une Strat, et qui le fait à un niveau de qualité incroyable, mais je suis plus sensible à Collings.
Enfin pour les amplis, entre Fender et Marshall, ma préférence va à Bogner. Parce que dans ce domaine là, je n’ai pas envie de devoir choisir, et que les amplis Bogner, c’est le son cristallin de Fender, et le côté rond et chaleureux de Marshall dans une seule boite. Mais vraiment, toutes ces préférences ne comptent que parce qu’elles correspondent à ce que je cherche à exprimer dans la musique que je joue, et pas comme des vérités absolues.