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17.02.2023 : Christian Graf, guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant : "prendre le temps de jouer".

17 février 2023 par
17.02.2023 : Christian Graf, guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant : "prendre le temps de jouer".
SERVETTE-MUSIC SA, VPI


> Bonjour Christian, tu es guitariste professionnel et professeur de guitare indépendant, quelle est ton actualité en ce moment ?


Avec la Fanfare du loup (ensemble instrumental multi-styles), nous avons un projet qui parle de l'importance des glaciers, de leurs réserves d’eau douce et des dangers qui résultent de leur disparition, tout cela avec des vidéos et bien sûr de la musique entièrement composée à cette occasion. Nous jouerons ce spectacle les 9 et 10 mars à la salle de l'Alhambra. 

Sinon, je participe à un nouveau trio avec Romane Chantre à la batterie et Gregor Vidic au saxophone, deux éminents représentants de la jeune génération de l’AMR. Ici, on se donne le temps d’improviser, de découvrir de nouveaux paysages sonores. On explore quelque chose d'intéressant à jouer sans bassiste, les rôles de chacun.e.s sont différents, et on découvre d’autres manières de jouer. J’ai également commencé un duo avec le pianiste Jonathan Simon, un excellent improvisateur et fin connaisseur des standards de jazz, et là encore pas de pression, c'est que du partage de musique. Tu l’auras compris, je vise en ce moment des projets sans échéances contraignantes. Je me suis récemment rendu compte que je fais de la scène depuis 1975, et que je ne veux plus me retrouver avec un agenda surbooké avec le stress que ça comporte d'avoir plusieurs groupes et répertoires à gérer simultanément !

Actuellement ce qui me plaît, c’est de pouvoir travailler différemment : que ce soit une composition originale ou une reprise, j'essaye de l'aborder par différents angles. J'essaye un truc, et puis un autre, je passe d'une guitare à une autre, car pour moi le son a une influence sur ma façon d’appréhender la musique. Dans une vie de musicien professionnel où tu dois comme tout le monde payer les factures à la fin du mois, tu n'as pas forcément la possibilité de prendre ce temps. Les dates se suivent, les sessions s'enchaînent, les cours n'arrêtent pas. Donc, j'ai gardé cinq élèves par semaine, ce qui me permet de faire des jams, de me consacrer à jouer avec d'autres. Et puis même si je ne suis pas dans tous les projets qu'elle monte, la Fanfare du loup me prend quand même pas mal de temps, car c'est un collectif qui discute tout de façon horizontale, ce qui fait que nous avons beaucoup de débats – super intéressants à chaque fois, d'ailleurs.


> Comment t'es-tu mis à la guitare ?


Pour avoir une guitare, le deal avec mes parents était que je prenne des cours de guitare classique. Je suis allé au Conservatoire populaire où je suis tombé sur un super prof, Angelo Lazzari. Lui, il avait bien senti que j'étais titillé par autre chose au bout d'un moment, et puis, la deuxième année, alors qu'il n'avait pas forcément le droit de le faire, il a commencé à me montrer des trucs de blues et de jazz.



> Tu avais une guitare électrique ?


Non, c'était une guitare classique, mais avec ça au moins, je pouvais débuter et je déchiffrais des riffs de rock et de blues ainsi que du picking. Mais je me suis très vite mis à travailler tout seul, de façon intensive et systématique. Après l’école, je faisais deux ou trois heures de musique par jour, voire quatre !

À cette époque, j’ai compris qu’il fallait que je rencontre des gens qui partageaient la même passion que moi et j’ai repéré assez vite dans quel bistrot, dans quel local, ou dans quelle "maison de quartier " se rencontraient les musiciens. J'ai réussi à rentrer dans plusieurs gangs de musiciens, par exemple au centre de loisirs de Carouge où les musiciens du futur Beau Lac de Bâle répétaient et m’ont énormément aidé à me structurer. Il y avait également un autre gang qui occupait pas mal de d’abris anti-atomiques sous la gare de La Praille, et qui formait un des noyaux importants du rock à Genève. J'y allais tous les jours écouter les groupes, je regardais comment les musiciens – qui étaient déjà connus à l'époque (certains le sont encore) – bougeaient les doigts et faisaient sonner leur instrument. Beaucoup d'entre eux partaient à Londres en été avec des bus VW, et les remplissaient d'amplis Marshall, Vox, Orange, de guitares Fender et Gibson, tout un matos incroyable dont on manquait à Genève. C'était une période extraordinaire.


> Comment as-tu su que tu voulais faire du rock ?


Quand j'avais 11 ou 12 ans et que j'ai entendu les Beatles, j'ai immédiatement su que je voulais faire ça toute ma vie. C'était complètement irrationnel, et ça a mis longtemps à se réaliser... Après, j'ai bien sûr entendu Hendrix, Clapton, Beck, Page, et aussi Blackmore car son utilisation de certaines gammes particulières m’attirait. Comme j'écoutais de tout, et surtout du rock anglais, j'ai aussi suivi la vague expérimentale avec Soft Machine, Caravan ou les premiers Pink Floyd. J'écoutais A Saucerful of Secrets et The Piper at the Gate of Dawn, deux disques très expérimentaux et spontanés. Et puis les Stones ont été importants aussi pour moi. D'ailleurs quand on me demandait – comme ça se faisait à l'époque – si j'étais plutôt Beatles ou Stones, je répondais "les deux".


> Comment s'est passée ta formation, du coup ?


Je suis autodidacte. Mais plein de gens m'ont donné des conseils, indiqué des voies de recherche, des choses à découvrir. On me disait "tu devrais checker ça ; il y a un bouquin qui parle de ces accords ou de ces modes ; tu devrais écouter tel ou tel musicien", etc. Comme j'étais curieux, je suis donc allé écouter Metheny, Scofield, Abercrombie...


> Donc tu as développé ta maîtrise tout seul, en écoutant de la musique ?


Oui du moins pendant un temps. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que ça ne suffisait pas. J’avais besoin d’un socle théorique. Chez Jeff Beck par exemple, il y a des transitions harmoniques dingues dans certains morceaux. J'ai réécouté Blow by Blow il y a peu, et cet album contient des progressions d'accords surprenantes, difficiles à enchaîner et encore plus à improviser. Et puis au fond, la théorie m'intéressait. C'est la raison pour laquelle j'ai toujours évolué en rock et en blues en même temps que j'avançais dans mon jeu en jazz ou en musiques du monde, car chaque aspect nourrit tous les autres. En plus, dès que tu sors des traditions européennes, non seulement les harmonies, mais la perception même du tempo sont différentes. À ce point vue-là, l’environnement créatif et multiculturel de l’AMR m’a été extrêmement profitable.


> Tu t'es alors mis à la guitare électrique parce que tu voulais faire du rock ?


Exactement. J'écoutais aussi du folk, donc j'avais aussi une guitare acoustique, mais la guitare électrique m'attirait plus. Le son, la sensation enivrante quand on joue fort dans un ampli, de déplacer de l'air, c'est super bon ! Et j'aimais la guitare électrique parce qu'avec elle on pouvait jouer en groupe. Ça ne m'a jamais beaucoup intéressé de jouer seul, même si je le fais parfois sur demande. Mais j'aime jouer avec un batteur, avec un bassiste, avec un clavier, un chanteur, une chanteuse... N'importe qui, mais pour construire quelque chose ensemble, partager.


> Tu te rappelles de ta première guitare électrique ? Et des autres ?


Oui, ma première électrique était une imitation de Telecaster faite par la marque Aria. Ensuite, j'ai pu acheter une Strat Fiesta Red de 64 pour 600 Francs en 1974, parce que personne ne voulait de Strat Custom Color à l'époque. Les gens trouvaient ça moche. Et là, un gros crève-cœur de ma vie, c'est que le "luthier" d'un magasin de musique me l'a foutue en l'air en la refrettant, et comme je ne savais pas qu'on pouvait changer la touche ou le manche je l'ai revendue pour une bouchée de pain… Mais je me suis rattrapé par la suite et je suis ensuite allé à Londres pour acheter une Strat 68 qui sonnait incroyablement bien. Il faut savoir que les Strat et les Les Paul qu'on avait à Genève dans les années 70 n'étaient pas géniales. On se retrouvait avec des grattes mal faites, qui avaient des dégradés ignobles et qui pesaient un poids fou, ou dont le vernis derrière le manche collait, ce qui  empêchait les doigts de glisser. Les guitaristes de ma génération se sont donc assez rapidement tournés vers les instruments vintage, même si on n'appelait pas encore ça comme ça à 'époque.


> Est-ce que tu joues d'autres instruments ? 


Je joue des instruments reliés à la guitare, essentiellement de la basse, car c'est très important pour moi. Je joue aussi du lap-steel et du banjo 6 cordes, accordé comme une guitare.


> Quels sont tes styles de musique préférés, et comment tes goûts ont-il évolué avec le temps ?


Au tout début, c'était le rock anglais. Et puis très vite, j'ai compris que la plupart des gens que j'admirais avaient été influencés par Howlin' Wolf, Muddy Waters, John Lee Hooker, BB King. Après cette période de découverte du blues, j'ai eu la chance de rencontrer des musiciens de l'AMR et de faire des sessions d'impro avec eux. Dès ce moment, je me suis mis à écouter des musiques... Comment dire ? Des musiques rock qui incluaient un peu de jazz et des musiques jazz qui incluaient un peu de rock. Je n'aime pas le jazz-rock, par contre. J'aime bien le jazz et le rock, mais le jazz-rock, c'était un peu excessif pour moi. Tous ces trucs comme Mahavishnu Orchestra ou Return To Forever. En revanche j'aimais beaucoup Herbie Hancock, surtout son projet Head Hunters. C'était du super funk. 

Et puis je me suis ouvert avec les rencontres. J'ai eu la chance d'être à Genève, où se trouvent des musiciens venus du monde entier. Je me suis ouvert aux musiques sud-américaines, à celles des Caraïbes, et aux musiques africaines – beaucoup, j'ai une grande passion pour ça – et puis à celles d'Afrique de l'Ouest. 

Avec le temps, je me suis ouvert de plus en plus aux musiques "noise", bruitistes, où l’on utilise sa guitare pour produire des sons non tempérés, soit avec des effets, soit en mettant des bouts de métal, de plastique, des chaînes, des clés – tout ce que tu veux – entre les cordes ou sur les micros. Fred Frith en est un représentant anglais hyper connu, et je l'ai encore vu il n'y a pas longtemps sur scène. C’est un guitariste ultra passionnant avec un parcours classique puis rock, et intéressé par toutes les expériences sonores. Sonic Youth m’a également influencé avec ces masses sonores impressionnantes, tout comme les Japonais de Merzbow.


> Dans tout ça, quelles sont tes influences majeures ?


En rock, il y a Hendrix et Beck. En jazz, c'est résolument Bill Frisell, qui est considéré comme un guitariste atypique dans le milieu, peut-être parce qu'il enregistre des albums à Nashville, ou avec des musiciens africains, ou encore avec John Zorn. Il est à la fois capable de jouer très "dans le jazz" et puis en même temps, de jouer vraiment "à l'extérieur du jazz" avec un son saturé énorme, et des effets incroyables. Il y en a un autre aussi, c'est Marc Ribot. La première fois que je l'ai entendu, c'était sur un album de Tom Waits qui s'appelle Rain Dogs. C'est un guitariste qui a fait du classique, du jazz, de tout ; un de ces New Yorkais qui a ouvert toutes les portes et fait sauter toutes les barrières.


> Quelles sont tes guitares électriques préférées ?


Tu veux dire si je devais partir avec une seule guitare sur une île déserte ? Ah mais ce serait le plus grand malheur ! C'est une sale question ça, en fait (rires). Une, je ne sais pas, mais si tu m'en donnes trois, je prendrais une semi-caisse, genre une ES-335, une Strat et une Tele. Entre la Strat et la Tele c'est très difficile de choisir... Je connais des gens qui sont uniquement Tele, d'autres qui sont uniquement Strat, mais moi je trouve les deux aussi inégalables l'une que l'autre. Si je devais vraiment n'en prendre qu'une qui fait tout absolument tout, par contre, ce serait probablement une Tele.


> Qu'est-ce qui est important pour toi dans une guitare électrique ?


Le plus important pour moi dans une guitare électrique, c'est sa signature sonore. Attention, elle peut aussi bien en avoir une précise si je veux quelque chose de typé, ou au contraire pas trop, ce qui me permet de manipuler le son. Si je veux une guitare qui ne soit typée ni Gibson, ni Fender, je choisis PRS. C'est pour ça que j'ai toujours eu des PRS depuis maintenant plus de trente ans. J'ai beaucoup changé de modèle jusqu'au jour où j'ai trouvé une 594 semi-hollow extraordinaire chez Servette-Music. Elle sonne d'une manière distincte par rapport aux ES-335 avec les humbuckers, et en mode single-coil, le son n'a pas la définition d'une Strat ni d'une Tele. C'est donc parfait, même si ça dépend toujours un peu des projets. J'ai la chance d'avoir d'avoir quelques très bonnes guitares, donc je peux changer suivant les besoins. Parce que finalement c'est toujours un peu la même histoire : le plus important c'est qu'elle s’intègre dans le contexte musical.



> Dans le domaine de l'électrique, les amplis et les effets sont très importants. Quel est ton set-up préféré et comment a-t-il évolué ?


Mon set-up évolue sans arrêt. J'achète, je revends, j'achète, je revends... Et puis, comment dire ? Au grand dam de certains de mes grands amis, j'accorde moins d'importance aux amplis maintenant, pour des raisons principalement liées à mon dos. Je me souviens qu'après avoir découvert le Rockman, un ami a dit "désormais je ne porterai plus rien". Et moi aussi, j'ai été obligé de trouver des amplis pour continuer à être musicien professionnel sans devoir soulever un machin de 25 ou 30 kilos. Ça n'avait plus de sens. Depuis une dizaine d'années, je privilégie des amplis à transistors ou en classe D avec un son neutre, que je colore avec plusieurs overdrives différentes, une touche de reverb, ou encore avec un delay.

C'est sûr, dans l'idéal, je préfère un ampli à lampes comme la plupart des guitaristes, et on sait tous pourquoi. J'en ai eu des tout grands : un Fender Tweed Deluxe TV Panel de 1951 – un des meilleurs amplis jamais produit à mon avis – et également un Vox AC30 de 63 ou 64 absolument fabuleux. À l'intérieur, il y avait marqué "Wings", le groupe de Paul Mc Cartney. Chez Servette-Music, j'ai aussi acheté un Bogner Duende parfait pour moi, avec des lampes 6V6, qui a un son magnifique. Donc en studio, je vais me faire plaisir avec un truc en point-to-point, ou vintage, etc. Et à l'AMR, ils ont d'excellents amplis. Mais pour le live, j'ai fini par utiliser des choses plus simples à transporter, tout simplement.


> Quelle est ton expérience avec Servette Musique ? 


Désastreuse, hahaha. Je dépense de l'argent à chaque fois que j'y vais, car il y a trop de belles choses (rires). 

Non, écoute, elle est agréable parce que je suis très bien conseillé, et en même temps on me laisse me faire mon opinion. Je suis quelqu'un de plutôt timide hors de la scène, et si je me sens poussé dans un sens ou un autre dans un magasin de musique, ça ne va pas trop pour moi. Il y a des gens qui aiment bien qu'on leur dise "tu verras avec ça, tu seras le king", mais moi, non. Je préfère qu'on me laisse regarder et écouter et qu'on m'aide ensuite, plutôt que d'être assailli par des recommandations, donc j'aime beaucoup la manière dont je suis accueilli chez Servette-Music.

Et puis, je dois dire aussi que depuis quelques années, il y a une ouverture sur des marques et des modèles très intéressants, et des changements géniaux. Avec le sous-sol, avoir un endroit où on peut vraiment envoyer des décibels pour tester un ampli, une pédale ou une guitare, est formidable. J'ai eu quelques élèves qui étaient réticents quand je leur conseillais d'aller à Servette-Music, et je leur ai dit : "retourne les voir, plein de choses ont changé", et ils ont effectivement redécouvert le magasin.


> Tu composes beaucoup, comment se passe le processus ?


Je travaille seul et à partir du moment où j'ai une idée qui accroche, mon premier réflexe est de l'enregistrer avec mon téléphone. C'est marrant, j'ai parlé avec beaucoup de musiciens d'un tas de pays, et tout le monde fait pareil. On a une idée, il ne faut surtout pas qu'elle disparaisse, donc on sort son tel et on y va. Ensuite, pour voir si l'idée est viable, je la mets en boucle sur une loop station BOSS RC10R, super simple d’utilisation et possédant une boîte à rythme, ce qui est utile car j’ajoute très rapidement une ligne de basse. A partir de là, ça prend du temps, parce que je suis hyper lent. Je suis souvent trop nihiliste et négatif sur mes idées, et je ne leur fais pas assez confiance, donc je les vire très souvent. Il faut qu'elle tienne vraiment la route pendant plusieurs jours quand je la travaille pour que je décide de donner suite à une idée.

L'étape d'après, c'est d'aller sur Sibelius, ou un autre programme d'écriture musicale, tout en faisant aussi très attention à ne pas fermer une composition en mettant trop d'accords, trop d'harmonies, surtout qu'avec mon background, je risque de mettre trop de progressions harmoniques, et je n'ai pas envie de me laisser diriger ou dicter la composition par ça. Donc j'imagine plutôt des lignes de basse ou des grooves. À partir de là, je chante ou fredonne des mélodies. J'évite absolument de jouer de la guitare parce que je retombe sinon toujours dans des schémas géométriques ou des schémas de gammes, des choses comme ça. La voix humaine, c'est ce qu'il y a de mieux, et les harmonicistes figurent d'ailleurs parmi mes influences – j'ai oublié de t'en parler. Quand j'écoute Little Walter avec Muddy Waters, j'entends un chanteur. C'est juste qu'il collait un Princeton ou un Deluxe à fond devant son micro d'harmonica, mais il avait un des plus beaux sons saturés qui existait. Voilà, c'est en gros comme ça que je compose.


> Qu'est-ce que tu voudrais réaliser encore dans ta carrière ?


J'ai 65 ans et j'ai commencé à faire des concerts à 18 ans. Ça fait donc 47 ans que je joue sur scène, et j'ai réalisé à peu près tout ce que j'ai envie de faire à ce niveau. C'est sûr que si je te dis "j'aimerais jouer à l'Olympia", ça n'irait pas avec le contexte de ma carrière. J'ai pourtant des copains qui ont joué à l'Olympia, mais ils étaient dans d'autres projets et c'est ceux-là qui étaient à l'affiche.

Mais évidemment, il reste des millions de choses encore. Quand tu joues de la musique peu formatée, c'est-à-dire où t'as un groupe, une ambiance, tu peux avoir un thème musical auquel ajouter une modulation par exemple. Mais si une grande partie du morceau est libre, c'est chaque fois Terra Incognita. Tu découvres le morceau en même temps que tu le joues, quelque part. Et ça, j'ai toujours aimé, donc pour moi ce n'est jamais fini. Sinon, ce que j'aimerais faire plus, c'est du blues, plutôt très électrique et roots. J'aime bien aussi le côté brut des compositions de Tom Waits, qui a toujours eu des guitaristes extraordinaires, et ça me plairait de monter un projet dans ce sens.

Au final, je me rends compte que j'ai toujours fait des choses avec des compagnies de danse, de théâtre, et j'ai bossé pour le cinéma et la vidéo. J'ai donc constamment évolué dans plein de mondes en même temps, peut-être par peur d'être catégorisé, englué dans un seul truc. Mais ça n'a pas servi beaucoup, puisque maintenant les gens pensent que je suis un guitariste de jazz (rires). Au fond c'est un peu bête les styles, les appellations, les prés-carrés. Je suis un guitariste qui aime la musique et les sons. Et puis surtout, j'aime le partage. Quel que soit le style, c'est le plus important. Plutôt que faire un beau solo, je préfère jouer un beau morceau, un truc où on se regarde après et où on peut se dire que là, vraiment, on a tous senti des frissons.


> Quel conseil donnerais-tu à quelqu'un qui débute ?


Mon premier conseil à quelqu'un qui débute, ce serait d'essayer de trouver une personne bienveillante, que ce soit un cousin, un ami ou un prof de guitare, qui puisse accueillir cette envie de faire de la musique. Si la personne veut faire tout par elle-même, YouTube est incroyable. Il faut parfois fouiller un peu, parce que quand un jeune tape "Smells like teen spirit" dans Google, il va trouver 800 leçons… J'ai eu des élèves qui m'ont avoué qu'ils avaient un peu honte de dire qu'ils avaient commencé sur YouTube, mais moi je trouve ça génial et j'y vais souvent. Je peux vérifier ma façon je jouer un plan, capter rapidement la structure d'un riff... Il y a des choses à prendre partout, de toute façon. Mais l'idéal quand tu débutes, c'est une personne qui te coache un peu et te met le pied à l'étrier en te montrant un accord de mi, un accord de la mineur, et qui te donne l'étincelle pour avancer. Un copain qui te montre les trois premiers accords à jouer devant un feu de camp, ça peut faire démarrer une carrière.