> Bonjour, vous êtes les Woodgies, deux sœurs musiciennes qui mêlez indie-pop et folk, avec déjà un album de compositions, un prix Coup de Cœur du Montreux Jazz Festival, de nombreux concerts et un EP en préparation. Avant de parler de ce qui arrive, pouvez-vous nous raconter un peu d’où vous venez et comment la musique est entrée dans vos vies ?
Hannah Leah
Nous sommes deux sœurs, originaires de Suisse avec des racines irlandaises. Notre mère nous a amenées très tôt en Irlande, parfois même dans les pubs alors que nous n’avions pas l’âge, pour écouter de la musique traditionnelle. Nous étions timides, mais déjà fascinées. Nous avons commencé les instruments plus tard : vers 13 ou 14 ans pour le piano et la guitare.
Notre groupe s’est réellement formé en 2018, à l’occasion d’un travail de maturité. Au départ, cela devait s’arrêter là, mais des gens ont commencé à nous demander de jouer ailleurs. La machine était lancée.
Le COVID a aussi joué un rôle : confinées ensemble, nous avons eu le temps de nous consacrer à la musique, d’expérimenter et de tourner des vidéos. C’est Christophe Duc (One Musique) qui nous a suggéré d’enregistrer un album. Malgré notre sentiment d’imposture, nous avons dit oui. De là est sorti notre premier disque, en 2021. Le single Holding Hands, mis en ligne pour la famille et les proches, a attiré l’attention d’Escudero Records. C’est ce label qui nous a permis de beaucoup jouer, notamment au Montreux Jazz Festival où nous avons remporté le prix Coup de Cœur. Depuis, nous tournons en Suisse et à l’étranger, parfois à l’aventure en camping-car, en Allemagne, en Irlande, au Canada ou encore à Londres.
Megan
Nous préparons un nouvel EP, qui sera enregistré très bientôt entre septembre et novembre en Irlande. Nous avons récemment multiplié les voyages à Londres pour rencontrer des songwriters et producteurs. Une reprise des Cranberries (Dreams), postée sur Instagram, a dépassé les 11 millions de vues. Cela nous a ouvert des portes, notamment avec un manager anglais. Nous avons maintenant plus de vingt nouvelles chansons et devons en sélectionner cinq pour l’EP.
> Comment cette aventure à deux a-t-elle commencé ?
Hannah Leah
Enfants, nous jouions souvent à inventer des groupes. Mais le vrai point de départ reste ce fameux travail de maturité au collège Claparède, en 2018. L’idée était d’écrire et enregistrer cinq chansons et d’organiser un concert. C’était stressant et ambitieux, mais nous l’avons fait à deux. Le projet a continué, d’abord presque malgré nous, parce qu’on nous demandait de rejouer, puis par passion.
> Quels ont été vos premiers pas avec les instruments ?
Megan
L’une a commencé par le piano, vers 13 ans, après avoir longtemps insisté. L’autre a débuté directement avec le chant, grâce à des cours facultatifs organisés par un professeur de Cycle d’orientation à Genève, Jean-François Bichoff. La guitare est arrivée ensuite, grâce à John Woolloff, un musicien qui est devenu notre professeur de guitare et qui nous a transmis une approche intuitive et créative de la musique, loin du solfège strict. C’est lui qui nous a aussi initiées à d’autres instruments comme le banjo ou la mandoline.
> Aujourd’hui, vous êtes toutes les deux multi-instrumentistes. Qu’est-ce que vous jouez ?
Hannah Leah
Sur scène, nous jouons toutes les deux de la guitare. Nous intégrons aussi mandoline, dobro, banjo, piano, ukulélé, synthé. Nous aimons expérimenter. En parallèle, nous travaillons sur les percussions, notamment le bodhrán, le tambour traditionnel irlandais.
> Quelles musiques vous inspirent et vous accompagnent depuis vos débuts ?
Megan
La musique traditionnelle irlandaise fait partie de notre ADN. Nous citons volontiers The Cranberries, Ye Vagabonds ou encore Lankum. Nous avons aussi grandi avec la pop, Justin Bieber pour le premier CD offert, mais nos goûts ont évolué vers le folk et les musiques plus anciennes. Nous aimons également la musique classique et la harpe. Aujourd’hui, nous cherchons à intégrer ces influences dans nos compositions.
> Votre chant à deux voix est devenu une vraie signature. Comment l’avez-vous développé ?
Hannah Leah
Cela s’est fait progressivement. L’une a découvert l’harmonie lors des cours de chant facultatifs au cycle. Nous avons ensuite beaucoup travaillé ensemble, souvent en reprenant Simon & Garfunkel ou First Aid Kit. Au début, nous étions timides et le fait de chanter ensemble nous rassurait. Aujourd’hui, nos voix se fondent et il n’y a souvent plus de « lead » : les deux voix sont devenues essentielles.
> Quelles guitares ont marqué votre parcours ?
Megan
Nos premières vraies guitares étaient des Breedlove offertes par nos parents. Nous avons ensuite eu une Guild. Nous ne sommes pas attachées à une marque précise : ce qui compte, c’est le confort et le son. Pour les autres instruments, c’est souvent de la récupération ou des prêts d’amis musiciens.
> Qu’attendez-vous d’une guitare quand vous en choisissez une ?
Hannah Leah
Le confort de jeu et la stabilité de l’accordage. Comme nous devons aussi nous concentrer sur les voix, nous voulons des guitares faciles à jouer. La taille compte aussi : transporter une dreadnought devient contraignant. Le prochain achat sera probablement une guitare folk plus petite et plus pratique pour les tournées.
> Vous avez aussi un lien avec Servette-Music. Que représente ce lieu pour vous ?
Megan
Nous connaissons surtout leur réputation et attendons avec impatience notre première collaboration. Nous avons entendu beaucoup de bien de leurs guitares irlandaises. John Woolloff nous prête régulièrement des instruments venant de chez eux. Nous n’avons que de bons échos.
> Si vous repensez à vos concerts et vos voyages, quels souvenirs vous reviennent le plus fort ?
Hannah Leah
Jouer aux Aubes musicales, le festival FIMU à Belfort devant plusieurs milliers de personnes, le Montreux Jazz Festival avec le prix Coup de Cœur, mais aussi les voyages à l’étranger, les tournées en camping-car et les sessions de songwriting à Londres. Ces moments de création partagée sont précieux.
> On dit qu’on n’a jamais fini d’apprendre en musique. Qu’avez-vous exploré récemment ?
Megan
Nous explorons constamment de nouveaux instruments et de nouveaux accordages. Nous travaillons aussi sur les dynamiques de nos morceaux, surtout en duo. En parallèle, nous apprenons les autres aspects du métier : réseaux sociaux, booking, création de site. Être musicienne aujourd’hui, ce n’est pas seulement jouer.
> Quand vous composez, comment cela se passe-t-il entre vous deux ?
Hannah Leah
Souvent, chacune trouve une idée de son côté avant de la développer ensemble. Pour le premier album, Christophe Duc nous a beaucoup aidées dans les arrangements. Récemment, nous avons aussi co-écrit avec d’autres musiciens à Londres, ce qui nous a permis de sortir de nos habitudes. Nous avons même un deuxième album enregistré mais jamais sorti, car trop produit par rapport à ce que nous recherchions. Aujourd’hui, nous voulons une esthétique plus épurée, avec un producteur irlandais, pour affirmer notre ancrage folk.
> Et si vous regardez plus loin, quels sont vos rêves ou projets les plus chers ?
Megan
À court terme : finaliser l’EP. À long terme : jouer à Glastonbury, faire une tournée mondiale et vivre uniquement de la musique, sans avoir besoin de petits boulots à côté.
> Enfin, quel message aimeriez-vous adresser à un jeune musicien ou une jeune musicienne qui hésite à se lancer ?
Hannah Leah
Dire oui aux opportunités, même quand on ne se sent pas prêt. Chaque expérience fait progresser. Et surtout, se souvenir que la musique doit rester un plaisir. Il n’y a pas qu’une seule voie, solfège ou non, l’important est de s’amuser.