> Bonjour John, après plus de 50 ans comme sideman, tu sors ton premier album. Avant d’en parler, peux-tu raconter brièvement ton parcours ?
J’ai décidé que ma vie serait de jouer de la guitare en voyant Hank Marvin jouer Apache à la télévision. Mon père travaillait à la BBC, et nous avions une des premières télés couleur : je suis tombé amoureux de la Strat rouge. Mes parents m’ont soutenu, et du coup je n’ai plus cessé de jouer. Je suis entièrement autodidacte, j’ai appris en reproduisant ce que j’entendais sur les disques. J’adorais le son, et le vibrato. J’ai eu mes premiers gigs à 13 ans en Angleterre, et je suis partit sur la route très tôt.
Je suis arrivé à 17 ans à Genève, et j’ai joué du rock et du blues avec plein de monde, d’ici et de passage. J’ai eu un contrat pour faire les sessions pour les albums de Daniel Balavoine, et une de mes cartes de visite est que je suis le guitariste qui a joué sur Laziza. J’ai ensuite notamment joué et tourné avec Patrick Bruel et Catherine Lara, et sur plus de 300 albums, en fait, donc ce n’est plus trop la peine de compter…
> Comment s’est concrétisé le projet de faire ton album ?
Quand il y a eu le Covid, tout s’est brusquement arrêté. Il n’y avait plus de concerts, plus de sessions, et comme beaucoup de gens, j’étais coincé à la maison. Je me suis donc mis à écrire de nouveau, et à chanter dans mon home studio. J’ai enregistré une dizaine de titres pour une maquette avec le batteur, Jean-Louis Bianchina, qui était notamment batteur dans le groupe de Nulle Part Ailleurs, mais que je connais car on a joué ensemble avec les artistes de variété de l’époque, et je les ai mis de coté. Puis quand par la suite nous sommes retombés sur ces enregistrements, et Jean-Louis m’a convaincu d'en faire un vrai disque.
Dans tout ce processus, j’ai repris goût à écrire et à chanter. J’ai aussi pris du plaisir bien sûr à jouer de la guitare, mais surtout à travailler avec Jean-Louis sur la production. En termes de logistique, nous avons enregistré cet album entre les studios de Jean-Louis pour la batterie, chez moi pour mes parties, et chez Ivan Rougny pour la basse. Nous l’avons mixé chez Jean-Louis, puis fait le mastering à Paris. Et c’est mon beau-frère qui a fait l’artwork !.
> C’est un album très personnel. Peux-tu en dire plus pour nos lecteurs ?
C’est en effet un album très personnel, qui s’appelle Life. J’avais envie d’écrire sur la vie et sur ma vie, pour raconter ce que j’ai fait, pourquoi je l’ai fait… Je voulais rester proche de ce que je ressentais, et je pense que ça transparaît. Il y a donc par exemple un morceau qui raconte mon arrivée à Genève quand j’étais jeune, dans lequel je raconte ma vie sur la route. Il y a des morceaux sur ma femme, sur chacune de mes filles, mes petits enfants… Gölaz, avec qui je joue depuis 20 ans, m’a appelé après avoir écouté le disque, pour me dire qu’il avait eu l’impression que j’étais à côté de lui en train de lui raconter ces histoires...
> Quel son utilises-tu sur cet album ?
Pour mon son quand je joue, je mets beaucoup moins de saturation ces derniers temps. J’aime de plus en plus le son clean donc j’ai beaucoup choisis ça. Je joue aussi beaucoup en fingerpicking. J’essaie d’imiter mon idole, Jeff Beck, mais il me manque son génie. Ma musique de base c’est quand même le blues-rock et la pop. J’aime aussi le rap et le hip-hop, et j’ai un petit penchant pour les sons modernes, que j’ai pas mal utilisés dans mon album.

> Quelle suite vas-tu donner à cette aventure ?
Probablement Life 2, puis Life 3… En fait j’ai 28 morceaux déjà prêts. Pour ce qui est du groupe, il y a donc Jean-Louis Bianchina à la batterie, Ivan Rougny de Mörglbl à la basse, et moi à la guitare et au chant. Comme je ne peux pas faire tout seul sur scène tout ce que je fais sur l’album, nous avons quelques talents qui nous accompagnent : Yves Staubitz, un des meilleurs guitaristes que je connais, joue la guitare rythmique ; j’ai pris Meghan et Hannah des Woodgies comme choristes, car elles sont excellentes, et Christophe Duc, un professeur et producteur formidable à Genève nous a rejoint pour les claviers.
> Qu’est-ce que ça te fait de passer de sideman à frontman ?
A la base j’adore jouer pour les autres, et j’ai eu une grande chance dans ma carrière. Au beau milieu des années 80, où en général, les artistes faisaient un album avec des musiciens, et ensuite une tournée avec d’autres, j’ai joué sur les disques des artistes que j’accompagnais. Donc je jouais mes parties, c’était facile. Là c’est pareil, je joue mes parties. Avec l’âge, ça me va d’être le leader. Je m’estimais meilleur derrière plutôt que devant, mais tout s’apprend.
> Quels sont tes guitares préférées ? Avec quoi joues-tu aujourd’hui ?
Mes guitares préférées, ce sont les Strats. Avec une Strat, je peux tout faire, et surtout jouer avec le vibrato, que j’utilise beaucoup. Quand il est bien réglé, la guitare sonne juste, et je monte mes guitares avec un tirant léger, du 9-46, donc je n’ai pas de problèmes. J’ai trois Strats, dont une fretless. J’ai aussi une Les Paul dont j’ai fait vider le corps à l’arrière pour qu’elle soit plus légère, et placé les potards selon un layout un peu comme celui d’une Telecaster. J’aime aussi la Telecaster, d’ailleurs, dont j’ai un exemplaire que j’ai assemblé à partir de pièces trouvées sur le net sur laquelle j’ai fait monter des micros Lollar. J’ai aussi une Grestsch, et une Rickenbaker, et il y a évidemment quelque chose de spécial dans chaque type de guitare, mais ce trio est légendaire : Strat, Les Paul, Tele. En acoustique je suis passé par tout : les Martin, les Gibson, etc. En ce moment, j’ai une Collings qui est monstre bien. C’est très cher, mais c’est très beau : ça sonne comme un Steinway.

> Qu’est-ce qui est important pour toi dans une guitare ?
Le manche et le réglage. La guitare doit sonner juste. Je me souviens que quand j’étais gosse, on jouait sur des guitares très mauvaises. Il n’y avait pas des Squier super à 200 Francs comme aujourd’hui. On avait les premières Hofner, les Rosetti Lucky Seven… Des guitares pas terribles, on peut dire. J’aime jouer avec une action très basse, un peu trop pour mes amis guitaristes, d’ailleurs, donc le réglage est super important.
> Tu as vu notre sélection chez Servette-Music au magasin, qu’en penses-tu ?
Je viens depuis 30-40 ans, avec René Hagmann et Yves Imer on se connaît depuis longtemps maintenant, et pour moi la qualité des instruments sélectionnés a toujours été bonne. Là en ce moment, si je pouvais sortir avec une dizaine de guitares ce ne serait pas difficile d’en trouver des fantastiques, mais il n’est plus vraiment question de ça pour moi. Il y a beaucoup d’acoustiques superbes, je trouve : les Martin, les Lowden, les Collings, les Bourgeois… Niveau guitares électriques, les Fender Custom Shop sont toutes d’enfer. Ce n’est plus la peine de s’embêter avec le vintage, je peux te le garantir. Le son, le look, tout est top sur ces guitares.
Comme ça fait longtemps que tu viens chez Servette-Music, pourrais-tu nous dire quelle est ton expérience ?
Excellente. J’ai acheté et vendu plein de guitares, fait faire des réparations, et j’ai toujours été bien servi. C’est sympa de venir boire un café et discuter de guitares. Pour la lutherie, le travail est impeccable, le nouveau luthier est super. Le seul problème, chez Servette-Music au fond, c’est que vous vendez aussi des batteries… (rires).
> Comme ça fait longtemps que tu viens chez Servette-Music, pourrais-tu nous dire quelle est ton expérience ?
Excellente. J’ai acheté et vendu plein de guitares, fait faire des réparations, et j’ai toujours été bien servi. C’est sympa de venir boire un café et discuter de guitares. Pour la lutherie, le travail est impeccable, le nouveau luthier est super. Le seul problème, chez Servette-Music au fond, c’est que vous vendez aussi des batteries… (rires).

> Quel est le changement le plus marquant pour toi depuis que tu as commencé à jouer dans les années 60 ?
Internet. Avant, on enregistrait les albums ensemble au studio. On prenait un mois en groupe, pour enregistrer les parties, on répétait les morceaux ensemble. Désormais plein de projets se font à travers le monde, où chacun est dans son propre studio et les gens s’échangent les fichiers. On peut avoir l’Orchestre symphonique de Prague ou Manu Katche pour jouer sur son album sans payer une blinde parce qu’il n’y a plus besoin de les faire venir. Alors le son est super, mais l’ambiance, pas du tout. C’est sûr que c’est bien de pouvoir rectifier une note un peu fausse ou un temps mal marqué en post-production, et de ne pas être coincé avec des "pains" sur le master. Mais pour moi rien ne remplace le fait de jouer avec les gens, donc ça manque.
> Après toutes ces années et cette magnifique carrière musicale, quel est ton meilleur souvenir musical ?
Pour l’enregistrement de Laziza on était en studio en Ecosse au moment du Live Aid. On avait fait quelques dégustations de whiskey, et en rentrant on a allumé la télé et il y avait Status Quo, qui jouait Rockin' All Over The World. Je me suis levé et j’ai dit “on va enregistrer Laziza”, et j’ai rejoué quelque chose dans le genre, entassant même à côté d’une note. Le lendemain, Daniel (Balavoine, NdR) est arrivé et a voulu enregistrer le solo de Laziza. J’ai fait quelques prises, et ce n’était pas terrible. Daniel a demandé d’écouter ce que j’avais enregistré la veille, et on a essayé de lui dire que ce n’était pas la peine, mais quand il l’a entendu, il a dit “c’est ça que je veux”. Ce n’est pas du tout mon meilleur solo, loin de là… Mais ces trente secondes, avec un verre dans le nez, m’ont donné la carrière que je voulais. Et aussi probablement la seule pour moi (rires).