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27.01.2023 : Maxence Sibille, batteur professionnel et professeur de batterie à l'EMA : "j’essaye d’être un musicien le plus complet possible".

January 27, 2023 by
27.01.2023 : Maxence Sibille, batteur professionnel et professeur de batterie à l'EMA : "j’essaye d’être un musicien le plus complet possible".
SERVETTE-MUSIC SA, VPI


> Bonjour Maxence, tu es batteur professionnel et professeur de batterie à l'ETM. Peux-tu nous parler de ton actualité ?


Le projet avec lequel je tourne le plus depuis une dizaine d'années maintenant est le trio d'un pianiste et très bon ami, Gauthier Toux. C’est un trio jazz piano/contrebasse/batterie, avec Simon Tailleu à la contrebasse. Nous avons sorti notre dernier album "The Biggest Steps" en février 2022. Nous allons faire une réédition en vinyle, que nous vernirons au New Morning à Paris le 8 février prochain avec Emile Parisien au saxophone comme invité, sur laquelle il y aura deux nouveaux morceaux, dont “Why Should We care” qui vient de paraître sur toutes les plateformes. 


L'autre actualité, c'est un autre projet, un quartet qui s'appelle Kuma, avec qui nous faisons aussi du jazz, mais sous une forme plus électrique. Il y a Matthieu Llodra au Fender Rhodes, Arthur Donnot au saxophone, et Fabien Iannone à la basse. A la base, c'est le trio de Matthieu avec lequel on a été connu surtout aux "Jam sessions" du Cully Jazz Festival depuis dix ans maintenant. Arthur nous a rejoint en 2016, car il venait jammer avec nous et on a tout de suite kiffé son jeu, donc on lui a proposé d'intégrer le projet. Après avoir sorti deux EPs, nous venons de publier notre premier album "Honey and Groat" en octobre dernier sous le label Rocafort Records à Lausanne, et quelques dates vont suivre.


Avec Ivan de Luca, un bassiste que vous connaissez bien – c’est surtout lui qui est l’initiateur du projet, nous avons monté un groupe de reprises des Red Hot Chili Peppers juste avant le Covid, qui s'appelle “Sex Magic” avec Franco Casagrande à la guitare, et Matthias Nussbaumer au chant.


Je collabore aussi régulièrementIl avec Fanny Leeb et Florence Chitacumbi, deux chanteuses pour qui l’actualité reprendra tout bientôt, sans oublier bien évidemment "The Blakats", le groupe avec lequel nous animons les jams du Chat Noir à Carouge les premiers jeudis de chaque mois avec Matthieu Llodra, Ivan de Luca, Arthur Donnot, Shems Bendali, Bouli, Zacharie Ksyk, Evita Kone, Alice Auclair (la petite nouvelle), et Angelo Aseron. Je suis aussi parfois invité sur des projets comme avec la Fanfare du loup dernièrement, ou André Hahne pour un Tribute à Roy Hargrove dans le cadre du Nova Jazz prochainement.


En parallèle, je suis également professeur de batterie à l’ETM et j'ai vraiment hâte de ce qui nous attend à partir de la rentrée prochaine. J'en parlerai d’ailleurs un peu plus tard. 


> Pourrais-tu également nous présenter ton parcours ? 


J'ai commencé par les percussions classiques au conservatoire d'Annemasse quand j'étais gamin, après avoir fait de l’éveil musical dans ce même conservatoire. Pendant que j'étais au lycée, je faisais des ateliers jazz là-bas également avec Thierry Giraud, un professeur enseignant le piano au conservatoire d’Annecy. Il y avait aussi Cyril Moulas qui est guitariste et bassiste, quand j'étais là bas.


Après mon Bac, je suis rentré à l'ETM et j'y ai fait ma formation pré-pro. J'ai pris des cours avec Marco Jeanrennaud – un batteur de la scène plutôt blues qui a joué avec Bonnie B. entre autres, puis j'ai pris quelques cours avec Stephan Montinaro (Music Arts Academy).


Je suis ensuite parti au conservatoire de Lausanne (HEMU Jazz) où j'ai fait un Bachelor et un Master pour étudier avec un de mes maîtres, Marcel Papaux. J'ai mis six ans à terminer ce cursus parce que j’ai eu un gros accident au bras droit et que je n'ai quasiment pas pu jouer, ni prendre de cours, pendant une année. Quand je suis sorti de là diplômé, à 27-28 ans, je me suis lancé dans la vie de musicien à plein temps.


Quelques années plus tard, Stefano Saccon, directeur de l’ETM et saxophoniste alto, qui m’a aidé à faire mes armes au début de ma carrière musicale et avec qui j’ai toujours plaisir à jouer lorsque l’occasion se présente, m’a appelé pour faire un remplacement de mon ancien prof, puis m'a engagé en tant que professeur de batterie à l'ETM, où j'enseigne depuis 7 ans.


> Comment t'es tu mis à la batterie ?


Quand j'avais six ou sept ans, j'ai vu un batteur à la télé un soir, et je me suis dit "j'ai trop envie de faire ça." Voilà, c'est tout ce qui m'a donné envie. J'avais la chance d'habiter à la campagne, et j'ai donc pu avoir une batterie à la maison le Noël d'après.


> Tu te souviens de ta première batterie ?


Je me souviens très bien : c'était une New Sound noire – je ne sais pas si ça existe encore – en taille standard, 12/13/16, avec une caisse claire de 14 ; les cymbales étaient fournies avec. Mon père ne m'avait pas pris la grosse caisse parce que j'étais encore trop petit et je ne touchais pas encore les pédales. J'étais minuscule derrière ce truc. Donc j'avais un kit tout ce qu'il y a de plus normal, mais avec une potence où j'avais mes deux toms dessus, et c'est comme ça que j'ai commencé. On jouait en duo avec mon père au piano, et on s'est fait des bœufs père/fils pendant des années tous les soirs comme ça. Mais je ne me suis mis à bosser vraiment l'instrument que bien plus tard.


> C'est venu après ?


Je prenais des cours dans un conservatoire plutôt classique, et je n'étais pas un grand bosseur. J'ai passé énormément d'heures derrière ma batterie, mais à jouer sur des disques, piqués à mes parents, même quand j'étais gosse, mais je n'étais pas très assidu sur le travail technique et ces choses là.


Pour te dire la vérité, je pense que j'ai vraiment commencé à bosser ma batterie au moment où j'ai décidé d'en faire mon métier, et où je me suis orienté vers des études musicales. Donc j'ai vraiment mis le pied dedans après le bac, quand je suis rentré à l'ETM. Avant ça, on me donnait des exercices, mais je ne les bossais pas vraiment. Je passais par contre beaucoup de temps à écouter de la musique, ce qui a certainement aidé à développer mes connaissances.


> Est ce que tu joues d'autres instruments ?


Le seul instrument dont je joue un peu – parce que j’y ai été obligé quand j'ai fait le conservatoire à Lausanne puisque nous devions choisir un deuxième instrument – c’est le piano, et je ne le regrette pas du tout. Je n'ai pas du tout la prétention de me dire pianiste, loin de là, mais je connais les accords, je peux déchiffrer une grille de manière très basique. Je joue donc un peu de piano et je m'en sert pour composer un peu de musique quand j'en ai besoin, mais c'est tout. 


J'aimerais apprendre d'autres instruments dans ma vie, mais des instruments auxquels peut- être les gens ne s'attendent pas forcément. Je suis fan de musique traditionnelle irlandaise et il y a dans cette musique un instrument que j'adore, qui s'appelle le Uilleann Pipes, qui est une cornemuse irlandaise. Tu as un soufflet, un sac, et puis ça se joue sur les genoux. Ça, j'aimerais beaucoup un jour apprendre à en jouer.


> Quels sont tes styles de musique préférés ?


Je viens du rock, même du rock assez extrême, limite metal. Adolescent, j’écoutais et j’en écoute encore des groupes comme Korn, Deftones, Limp Bizkit, Lamb of God, Suicidal Tendencies, Slipknot, etc. J'ai été également initié très tôt au jazz par mon père avec John Coltrane, Charlie Parker, Herbie Hancock, Keith Jarret, Chet Baker, ainsi qu’à la “bonne” variété française comme Claude Nougaro, Michel Berger, Bernard Lavilliers, Michel Jonasz, Maurane...


Un style qui me touche le plus et que j'ai découvert avec le temps, c'est ce qui touche à la soul, le R&B, et la funk des années 70-80. J'y suis venu plus tard grâce au jazz, parce que je me suis aussi intéressé à ce que faisaient ailleurs les mecs que j'écoutais. J'ai par exemple découvert Man-Child avec Herbie Hancock comme ça, et ça a été une révolution pour moi. Mais je pense que c'est donc difficile de dire que j'ai un style préféré, parce que j'écoute vraiment beaucoup de choses différentes. Il y a du bon à prendre partout.


> Et tu joues de tout ?


Non, je n'ai pas cette prétention, et puis il y a tellement de styles sur cette planète que ce serait impossible de jouer de tout et de tous les faire bien. Mais j’essaye d’être un musicien le plus complet possible.


> Du reggae ?


Alors, c'est une très bonne question et la réponse est non. Pour moi le reggae est un des styles les plus exigeants, en tout cas au niveau de la batterie. Pour bien savoir en jouer, je pense qu'il faut ne faire quasiment que ça. En tout cas, il faut bosser vraiment très, très sérieusement pour le maîtriser.


J'ai joué à l'époque avec un bassiste et collègue à l’ETM qui s'appelle Stan Breynart, qui avait un groupe de reggae sur Genève,Mosquito, avec Cédric Dunner au chant. C'était de la chanson-reggae francophone, un peu dans la vibe de Sinsemilla. J'ai après aussi joué dans Adubtion avec les frères Tiercy, Manu et Thomas. On faisait un mélange de dub et d'électro. Mais je n'ai jamais été un grand batteur de reggae.


Il y a aussi une autre musique que je ne pratique pas beaucoup, parce qu'elle est structurée par des codes bien précis, et qu'il faut avoir la culture je pense pour savoir bien la jouer, c'est tout ce qui relève de la musique dite, au sens large bien sûr, afro-cubaine. J'ai encore beaucoup à apprendre pour dire que j'en joue vraiment. Je peux faire illusion car j’en connais les bases, mais on a la chance maintenant à l'ETM d'avoir Edwin Sanz (professeur de percussions/batterie) qui est là et je me réjouis de faire des sessions avec lui pour mieux connaître cette musique.


> Quelles sont tes influences majeures ? 


Il y en a tellement que c’est dur de faire un choix. Tout d’abord je dirais, Manu Katché. J'aime beaucoup la variété française, et j'ai un peu l'impression d'avoir grandi pendant son âge d'or, dans les années 80, où on avait des artistes comme Michel Jonasz, Claude Nougaro, et où il y avait ces musiciens qu'on entendait et qu'on voyait tout le temps parce qu'ils jouaient derrière les grandes vedettes dans les émissions comme Taratata. 


Quand j'ai découvert le live "Uni vers l’Uni" de Michel Jonasz avec Manu Katché, Kamil Rustam à la guitare, Dominique Bertram à la basse et Jean Yves d’Angelo au clavier, ça a été une révélation. Je me souviens l'avoir entendu au bureau de mon père quand je faisais un stage un été. J'ai tout de suite accroché. Je le connais par coeur. J'ai aussi beaucoup écouté Loïc Pontieux, qui jouait avec Nougaro à l’époque où je l’ai découvert, sur sa Sonor Designer bleu-pailleté, et puis Christophe Deschamps, Paco Sery avec Sixun, Stewart Copeland, sans oublier Ringo Starr, qui est pour moi "le plus grand batteur pop jusqu’alors" dans sa manière d’accompagner la chanson, et puis le géant Steve Gadd, qui incarne la classe ultime.


Au niveau du jazz, il y a deux batteurs entre lesquels mon cœur balance tout le temps : Tony Williams et Elvin Jones. Mais comme j'ai toujours été quand même un peu plus sensible à la musique de John Coltrane qu'à celle de Miles Davis, même si il a joué avec beaucoup de batteurs, ça penche un peu plus du côté d'Elvin Jones. J'aime aussi Harvey Mason et Mike Clark, bien sûr, que j’ai découvert avec Herbie Hancock dans sa période groove. Et puis je n'oublierai pas Dédé Ceccarelli et Franck Agulhon – ce dernier est devenu un ami et avec qui j’ai beaucoup appris, et que je remercie pour cela.


Pour finir, j'ajouterais Lars Ulrich, car j'étais très fan de Metallica. Même si ça me fait mal de reconnaître que Lars ne joue vraiment plus très bien en concert, Metallica reste l'un des plus grands groupes de heavy-metal du monde et quand j'ai découvert Lars Ulrich et sa batterie Tama blanche gigantesque, j'étais conquis.


> Quels sont les batteurs que tu écoutes un peu plus en ce moment ?


Il s'agit surtout de batteurs que je découvre ou redécouvre avec mes élèves de l’école, en leur faisant bosser des rythmes, des morceaux, des relevés de solo, etc. En ce moment, ce qui tourne c'est Karim Ziad, Carter Beauford – que j’adore avec Dave Matthews, Vinnie Colaiuta, Ilan Rubin. Michael Bland, qui a joué avec Prince et que j'ai re-découvert récemment grâce à un live de France Gall pour sa toute dernière tournée, sur laquelle elle avait engagé les musiciens de Prince, justement.


Pour la petite histoire, il y a deux lives incroyables – un acoustique et un électrique – tournés aux Zénith de Paris et pour une émission sur M6 à l’époque, et pour la rythmique, c'est Sonny Thompson qui tient la basse et Michael Bland à la batterie. Énorme !


> Parlons un peu de matos. Quelles sont tes batteries préférées ?


J'ai une affection particulière pour Tama. D'abord, c’est la première vraie batterie de bonne qualité que j'ai eue après cette fameuse New Sound quand j'étais gamin. C'était une Tama Artstar noire que j'ai toujours d'ailleurs, et que j'utilise parfois pour des sessions en studio. 


Les batteries Tama vont aussi bien dans le jazz, que dans le métal, le funk... Je trouve que ça marche partout, et à plein d'égards. Après, je suis quand même très sensible aux batteries vintage. Maintenant, savoir si j'ai une préférence entre une Gretsch, une Slingerland, savoir si je préfère les américaines ou les anglaises, c'est difficile à dire. Ça dépend des époques, ça dépend de plein de trucs. Mais si je devais citer une marque après Tama, je dirais quand même Ludwig. Ludwig, c’est la classe.


> Qu'est ce qui est important pour toi dans une batterie ?


Pour moi, ce qui est important avant tout, c'est qu'elle soit facile à régler. Il y a des batteries qui sont très, très bien, mais il est difficile de trouver un son tout de suite. Et surtout, il y a des batteries qui supportent un certain accordage et qui n'en supportent pas d'autres. C'est à dire que tu as des batteries qui sonnent si elles sont en low tuning, et d'autres qui sonnent mieux dans des tunings aigus. Et moi, ce que j'aime surtout dans une batterie, c'est qu'elle me permette de faire un maximum de choses. Donc ça demande qu'elle soit facile à régler et du coup polyvalente. 


Bien sûr, c'est le batteur qui fait le son de l'instrument – on est bien d'accord – et je pense que c'est pareil sur tous les instruments. On le voit bien à la guitare avec John Woolloff, pour prendre en exemple un grand guitariste qu'on connait bien ici : tu lui mets n'importe quelle gratte dans les mains et il a un son énorme parce que c'est lui.


>Et entre les différentes parties (kit, cymbales, facilité de réglage), quelles sont les priorités ? 


Par rapport au style de musique que je joue le plus régulièrement, qui est quand même le jazz, je pense que l'importance des éléments est plus marquée pour les cymbales. Parce que c'est difficile de jouer avec des mauvaises. Avec une batterie même pas terrible, tu peux t'en sortir si tu sais un minimum l'accorder, t'adapter aux défauts, ou même les compenser. Avec des cymbales moisies, c'est clairement plus compliqué, même si tu as une bonne batterie.


> Tu prends donc tes cymbales partout ?


J'ai toujours mes cymbales avec moi, oui. J'en ai des différentes pour m'adapter à tous les styles. D'ailleurs c'est un autre argument en faveur de l'importance des cymbales : tu peux jouer du jazz sur une batterie rock et inversement ; mais c'est compliquer de jouer du jazz correctement sur des cymbales hyper heavy, ou du métal avec des cymbales toutes légères.


> Quelle est ton expérience avec Servette-Music ? 


Mon expérience avec Servette-Music a commencé quand j'étais élève à l'ETM, mais j'associe Servette-Music à Stephan (Montinaro, NdR), qui était à Music Arts en fait à l'époque... Je trouve que Servette-Music est un magasin super, avec des gens compétents et toujours prêts à aider. Servette-Music prête du matériel aux associations, soutient les artistes locaux, est très investi dans et intéressé par la scène musicale de la région. Et puis en tant que musicien, tu as une équipe toujours arrangeante, de bon conseil pour parler, échanger. Et puis il y a du matos, plein de trucs sur place. Donc pour moi, c'est le magasin parfait.



> Quel est le meilleur souvenir de ta carrière ?


J'en ai beaucoup... Je te les raconte tous (rires) ?


> Quelques uns...


Un de mes meilleurs souvenirs en concert pour le côté complètement loufoque, c'est un remplacement de Marc Erbetta que je faisais avec Erik Truffaz aux côtés Christophe Chambet et Benoît Corboz au Koktebell Festival en Crimée. C'était un festival sur une plage et, pendant le soundcheck de l'après-midi, cette plage était nudiste. On a donc fait un soundcheck devant des gens “à poil” … (rires) … ça n’arrive pas tous les jours.


Un autre grand souvenir, au niveau émotionnel, a été une fois de plus avec Erik Truffaz lors de mon premier remplacement avec lui, à São Paulo. Quand l’album Bending New Corners est sorti, avec Naya qui rappait dessus, c'était un truc qu'on n'avait jamais entendu. On écoutait tous ça dans le local à Monnetier, le village où j'ai grandi, et on se retrouvait les week-ends dans un local pour écouter de la musique, en jouer. Quand c'est sorti, on était comme des fous. Et un beau jour, je me retrouve à São Paulo, à jouer la première note de Bending New Corners. Juste complètement fou.


J'ai aussi un souvenir fabuleux de Jazz à Vienne, dans le Théâtre antique, avec le trio de Gauthier Toux. Parce que Jazz à Vienne dans ce Théâtre antique, quand tu fais du jazz, c'est un peu un de ces trucs que tu vois quand t'es ado, et qui te fait rêver ensuite pour toute ta carrière. On ouvrait la soirée, donc on a joué qu'une demi-heure, mais c'était un souvenir magique, vraiment je m’en souviendrais à vie de cette sensation, de monter sur scène dans ce théâtre rempli de passionnés. 


J'ai également un excellent souvenir de mes premières tournées, car c’était vraiment la première fois que je prenais la route avec un band, j’étais fier et honoré qu’il m'ait fait confiance et c’était avec Métal Kartoon. J’avais fini l’ETM comme élève, je commençais tout juste l’HEMU à Lausanne et je me suis retrouvé à jouer avec Ivan Rougny et Christophe Godin, mes idoles de l’époque ainsi qu’aux côtés d’un super musicien, complètement fou dans le bon sens du terme, punk dans l’âme, qui est malheureusement décédé il y a un an et demi – Jérôme Ogier. Il était aussi prof de chant à l'ETM à l’époque où j’étais élève, très bon violoniste, un vrai clown à la Charlie Edwards, complètement déluré, ultra talentueux. Qu’est ce qu’on a ri...


Et puis j'en ai tellement avec Matthieu Llodra, mon ami et compère de scène depuis 14 ans maintenant... Il te reste de quoi prendre des notes (rires) ?


> En fait tu as aimé chaque moment de ta carrière...


Oui, même les galères. Ce sont aussi – et surtout – elles qui nous font avancer, je crois...



> Et pour les compos, ça se passe comment chez Maxence Sibille ? 


Il y a six ou sept ans, l'AMR m'avait proposé une carte blanche. C'était une période où je jouais beaucoup, et je l'ai tout d’abord refusée parce que je n'avais pas le temps, et je ne me voyais pas la faire, honnêtement. Et puis quelques mois après, ils m'en ont proposé une deuxième. Là, j'ai su que je ne devais pas la laisser passer, parce qu'ils n'allaient pas me faire la proposition une troisième fois.


J'ai donc appelé Mathieu Llodra au Rhodes, Gauthier Toux au piano, Valentin Liechti qui est un super batteur, producteur et ingénieur du son, et un très bon ami également, aux machines, un trompettiste polonais que j'avais rencontré il y a quelques années, Tomas Dabrowski, et un bassiste – un super bassiste qui est sur Paris – qui s'appelle Julien Herné.


C'était une carte blanche, mais je me suis dit qu'il fallait quand même que je compose de la musique, pour ne pas faire que de l'impro. Je me suis mis au piano, j'ai trouvé des idées, très inspirées par l'aspect fortement mélodique de la musique des années 80, et en tâtonnant, des mélodies, des progressions d'accords, par-dessus lesquelles je chantais un peu. Les autres membres du projet m'ont fortement aidé à finaliser ensuite ces compositions, et on les a arrangées tous les six. C'est mon expérience de compositeur, elle m’a beaucoup plu et a donné naissance à ce groupe, Seed, avec lequel nous avons un album dont je suis très fier.. 


> Seed existe toujours ?


Oui bien sûr, même si comme je ne suis pas un grand champion en termes de booking et que nous avons tous des agendas bien chargés, nous ne jouons pas beaucoup. La formation a un poil changé, puisque nous comptons parmi nous désormais Zacharie Ksyk à la trompette et notre “colonel” à tous, Christophe Chambet, donc il faudra bien qu’on enregistre un prochain album un de ces jours.


> Quels sont les projets qui t'animent pour l'avenir ? 


Avec le trio de Gauthier, la pédale est enclenchée donc je ne peux que souhaiter que celà dure le plus longtemps possible. J'aimerais vraiment que ça se développe avec Kuma parce que c'est un projet qui me tient également très à cœur. On est tous fans du Japon dans ce projet – d'ailleurs, Kuma, ça veut dire "ours" en japonais – donc ce serait une vraie consécration un jour de faire une tournée là-bas. Et puis, il y a une chose qui me trotte toujours dans la tête, ça serait de faire un jour une tournée de variété. Une tournée en "tour bus", sur les routes, pour des successions de dates, c'est un truc que j'aimerais bien faire une fois dans ma vie.


Sur le plan de l’enseignement, continuer à m’investir pleinement au sein de l’ETM, d’autant plus que la future école ouvrira ses portes dès septembre prochain dans les anciens locaux de la RTS. Ça va être un pôle musical très important pour la ville de Genève, avec une infrastructure à la pointe de la technologie, deux salles de concerts pouvant accueillir tout autant de la musique classique, comme du metal, de l’électro, du jazz et j’en passe. Il y aura des salles magnifiques, des studios de répétition et d’enregistrement bien équipés... Tout sera réuni pour faire de la musique dans les meilleures conditions, et je me réjouis de ce nouveau chapitre initié par Stefano Saccon, notre directeur. 



> Quel conseil donnerais-tu à un.e jeune débutant.e à la batterie ? 


Tout d’abord, mon conseil est de prendre du plaisir. La musique, c'est un plaisir avant tout, et il faut jouer tout ce dont on a envie, même si on est juste débutant. 


Ensuite, il faut être curieux. Je pense qu'il faut vivre avec notre temps bien sûr, mais qu'il faut aussi s’intéresser à ce qui s'est fait par le passé – les anciens, quoi... Je trouve super d'être dans les tendances de ce que font les artistes actuels, et je le revendique, mais il ne faut pas oublier ceux qui étaient là avant nous, et les chemins qu'ils ont empruntés. Il faut fouiner, il faut aller écouter, sur disque, en live, il faut aller lire, se documenter...  


Et puis il faut aussi être patient. On n'est jamais arrivé, on apprend toute notre vie, peu importe notre niveau. C'est pour ça qu'il faut sans-cesse "travailler son clou" ; le reste suivra.